22-A - Prospection inventaire de la forêt de Rennes par André CORRE du CERAPAR

Publié le par Pierre Pétour

PROSPECTION INVENTAIRE EN FORÊT DE RENNES

 

par André CORRE*

 

avec le concours du CERAPAR**

 

 

* Membre du CERAPAR, 22 rue Jean-François Millet 35000  RENNES

** Centre de Recherches Archéologiques du Pays de Rennes, Espace Jean Guehenno, 35740 PACE   

 

Introduction

 

Depuis quelques années, à l’instar des prospections archéologiques réalisées en milieu ouvert, des investigations ont été menées dans certains massifs forestiers, notamment dans le sud-est du département d’Ille-et-Vilaine. Ce milieu, moins facile à étudier au premier abord est, du fait de la régénération lente des arbres, un véritable conservatoire archéologique.

 

La forêt domaniale de Rennes recèle de nombreux vestiges protégés par le couvert végétal. Aucun inventaire n’ayant été réalisé jusqu’à présent dans ce massif, le CERAPAR (Centre de Recherches Archéologiques du Pays de Rennes) a programmé sur les années 2004 et 2005 une série de prospections, afin d’inventorier le maximum de sites archéologiques encore décelables aujourd’hui. Parallèlement, les relevés topographiques indispensables ont été réalisés. Des consultations d’archives ont aussi été menées pour affiner les recherches.

 

L’objectif est triple: compléter la carte archéologique de la région Bretagne, regrouper les données pour mieux comprendre l’occupation du territoire et faire en sorte que cet inventaire contribue à la mise en œuvre des mesures de protection  désormais souhaitées par tous.  

 

Ce travail n’aurait pu être réalisé sans l’accord de l’Office National des Forêts représenté par Messieurs Serbource et Gautier  qui nous ont  apporté leur aide et leur soutien. Un rapport complet leur a été remis afin que le plan d’aménagement de la forêt de Rennes  tienne compte de cet inventaire. Des mesures de protection décidées par l’ONF, en collaboration avec le CERAPAR, sont d’ores et déjà en place afin de conserver au mieux les sites répertoriés. Elles consistent en la création de chemins d’exploitation évitant les sites, et la non-utilisation d’engins mécaniques lors des régénérations forestières sur les parcelles sensibles.

 

Les prospections, relevés, recherches d’archives ont été réalisés grâce à la participation de nombreux membres du CERAPAR. Un merci tout particulier à Jean-Luc Javré et Pascal Romano pour leur implication lors des relevés de terrain.


 

Occupation de la forêt et des alentours

 

Des traces d’occupation au Néolithique sont signalées au lieu-dit Champ Fleury sur la commune de Liffré, la Grande Mare en Betton et sur la commune de La Bouëxière aux lieux-dits Rallion, et le Drugeon pour les sites les plus proches de la forêt. Des mégalithes sont présents dans le Bois de la Mancelière sous la forme d’alignements à une distance de deux kilomètres de la forêt de Rennes. A cinq kilomètres au nord, dans la forêt domaniale de Saint-Aubin-du-Cormier, deux groupes de menhirs sont les restes d’ensembles mégalithiques sans doute plus importants.

 

Pour l’Age du Fer, deux sites sont connus dans la forêt, il s’agit du trésor monétaire découvert à proximité de l’enceinte des Verrières et du site de production métallurgique de Saint-Denis. Dans l’environnement immédiat, il faut signaler sur la commune de Betton, au lieu-dit Pluvignon, un site d’habitat de plus d’1 ha occupé du début du IVe s. à la fin du IIIe s. av. J.-C. et sur Thorigné-Fouillard en Bellevue un autre site d’habitat de la seconde moitié du IIIe s. à la seconde moitié du 1er s. av. J.-C.  A Grébusson en Acigné un enclos à fossés curvilignes a été repéré.

 

Pour la période gallo-romaine, deux voies romaines sont signalées : en bordure ouest, Rennes/Avranches  et en bordure sud-est, Rennes/Bayeux. Sur Liffré, une villa est signalée à la Basse-Gaillardière, ainsi qu’un site d’occupation à la Lande de Neuville. Des sites sont déclarés dans les communes environnantes, ainsi sur Acigné : aux Onglées, une construction, un enclos et un site funéraire, à la Piverdais et la Forge on notera des enclos. Sur la commune de Betton, à proximité de la forêt et en bordure de la voie Rennes/Avranches, un dépôt monétaire a été découvert en 1860, une villa est signalée à la touche Nicoul ; des traces d’occupation sont signalées à de nombreux endroits sur la commune. A Saint-Sulpice-la-Forêt en bordure de forêt, un site à tegulae a été signalé au Landrot, à Thorigné-Fouillard un site d’habitat à Bellevue et une occupation au Grand-Bois, à la Bouëxière des sites d’occupation à Guigieux, Saint-Père dans la forêt de Chevré et la Ville Orieux.

 

La période médiévale est représentée par plusieurs mottes féodales  dans l’environnement de la forêt sur les communes de Liffré, Acigné, Betton, La Bouëxière. Dans la forêt de Rennes, près du carrefour des Verrières et à l’intérieur de la grande enceinte du même nom, les restes d’un manoir et d’une tour entourée de douves attestent une occupation au XIIIe s.. N’oublions pas le château de Saint Aubin-du-Cormier élevé en 1223 par Pierre 1er de Dreux non loin de la forêt de Rennes, où il aimait chasser.


 

Situation géographique et géologie

 

Le centre de la forêt est situé à 12 km au nord-est de Rennes (fig.1), sur un plateau, en bordure immédiate du bassin de Rennes. Sa superficie est de 2955 ha et son altitude varie de 45 m dans le talweg du ruisseau de Caleuvre à l’extrémité sud-ouest, à 107 m au lieu-dit « Mi-Forêt ». 99,8%  de sa surface se trouvent sur la commune de Liffré. Elle ne présente pas de grands accidents de terrain car elle est formée d’une série de collines peu élevées, sensiblement parallèles, dont les faîtes viennent se confondre à leur partie supérieure en une arête commune, passant par Mi-Forêt, inclinée du nord-est au sud-ouest et qui divise la forêt en deux bassins distincts. Le premier regarde le sud-est et déverse ses eaux dans la Vilaine par l’intermédiaire de la rivière de Chevré ;  le second, incliné vers le nord-ouest, est tributaire de l’Illet par l’intermédiaire du ruisseau de Caloeuvre. Il s’agit d’un bassin versant Atlantique (fig.2).

 

La forêt de Rennes, située dans le domaine structural centre-armoricain (fig.3), a, dans sa majorité, un sous-sol de formation briovérienne, et, pour une petite partie nord, une formation paléozoïque. Les terrains affleurants présentent des alternances silto-gréseuses jaune-verdâtre tendres ou silto-wackeuses dures. Au nord-ouest de la ligne forestière de la Faux Fuseau, le synclinal de Liffré atteste la présence du grès armoricain ; il s’agit d’un conglomérat basal de quartzites et de grès micacés. Des blocs de grès armoricains grossiers sont épars à la surface du sol et dans les éboulis de pente. Les formations superficielles comportent des altérites (substrat généralement argilisé), des limons loessiques périglaciaires et des colluvions de versants, parfois associés aux alluvions récentes. Des filons et des petits corps de quartz  blanc laiteux massif sont abondants dans la forêt et ses abords. Ces filons sont orientés entre 95 et 120°E.

 

Le sol limoneux brun-jaune, filtrant, avec un humus doux de bonne fertilité, est favorable aux feuillus. Le sol argileux d’aspect gris clair, compact et dur en période sèche ou gorgé d’eau et collant en période humide, convient plus aux résineux.

L’implantation des sites archéologiques inventoriés n’a pas été guidée par la composition du sous-sol ; en effet, ils se trouvent sur toutes les formations géologiques.


 

Exploitation

 

Les essences se composent pour les feuillus de chêne rouvre et pédonculé, de hêtre, de châtaignier, de bouleau, et dans une moindre mesure de charme, tilleul, alisier torminal, tremble, aulne glutineux. Le pin sylvestre représente la majorité des résineux, c’est lui qui a été utilisé dans la 2ème moitié du XIXe s. pour reboiser les zones improductives  sur sol dégradé. Le pin maritime, le pin noir et l’épicéa sont les autres résineux présents, en nombre plus restreint.

Le bois d’œuvre, issu des coupes de régénération, est généralement de qualité moyenne. Vendu en Ille-et-Vilaine et dans les départements limitrophes, il est utilisé dans l’industrie du meuble pour les qualités supérieures, et dans l’industrie de la charpente, du parquet et des palettes pour les qualités moyennes. Depuis les années 1970, à la suite des deux chocs pétroliers, il existe une grosse demande de bois de chauffage et des exploitants forestiers se sont spécialisés dans la commercialisation des petits feuillus avec l’agglomération rennaise toute proche. Le massif de Rennes assure un rôle écologique, un rôle de production et un rôle d’accueil du public.


 

Faune

 

La faune sédentaire de la forêt se compose de sangliers, chevreuils et lièvres. La chasse au sanglier, organisée d’octobre à février, est faite en battue avec chien courant.


 

Évolution du paysage

 

Les forêts se sont constituées progressivement lors du réchauffement climatique après la dernière glaciation (environ 10 000 ans avant J.C.). Au Néolithique, où l’homme se sédentarise, c’est la période des premiers déboisements liés à un besoin d’espace et de ressources.

 

Pendant la Protohistoire, surtout à l’Âge du Fer, l’important essor démographique a pour conséquence  l’installation de nombreuses fermes indigènes liées au développement de l’agriculture et de l’élevage. Les prospections aériennes et forestières menées dans la région depuis plusieurs années et les fouilles qui ont suivi  montrent une densité relativement importante des sites de l’Âge du Fer aussi bien en milieu dégagé qu’en milieu forestier. Des études cartographiques sur des micro-régions très prospectées montrent une forte occupation durant la Protohistoire. Les activités artisanales qui commencent à se développer participeront aussi à l’éclaircissement des massifs forestiers.

 

Pendant l’Antiquité le phénomène va s’amplifier et ce n’est qu’à la chute de l’empire romain, avec les invasions, qu’une reforestation naturelle va s’opérer.

 

A l'époque mérovingienne, les hommes demandent l'essentiel de leurs moyens de subsistance à la forêt, aux friches de toute nature, aux rivières et aux étangs : la chasse, l'élevage, la pêche et la cueillette l'emportent sur l'agriculture.

 

La législation carolingienne interdit de créer de nouvelles forêts afin de favoriser l’agriculture et petit à petit, des terres sont mises en culture, si bien que, au IXe s., dans les grands domaines, les champs occupent non plus, comme précédemment, quelques dizaines, mais plusieurs centaines d'hectares. Ensuite, les attaques normandes provoquent une nouvelle baisse de la population et une diminution des territoires cultivés. De plus les seigneurs ne pensent qu’à agrandir leurs forêts pour leurs chasses. À partir de 980, toutes les sources historiques montrent un essor de l'agriculture. Le climat se radoucit, favorisant le développement des cultures, tandis que diminuent les invasions et les conflits. Échappant au cercle vicieux des disettes et des famines, la population augmente de nouveau, à laquelle les défrichements offrent des terres nouvelles. Les rendements s'accroissent grâce à la maîtrise de nouvelles techniques et à l’amélioration de l'outillage.

 

Au XIe s., un certain refroidissement du climat a contribué à la dégradation de la forêt, ce qui a naturellement facilité le travail des défricheurs. Les monastères exploitent aussi de manière intense les bois environnants. C’est le cas de l’abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt qui aurait été fondée vers 1117 par Raoul de la Fustaye à trois lieues de Rennes dans la forêt ducale de Merle ou du Nid de Merle.  Les moniales de l’abbaye avaient le privilège de prendre dans les forêts de Rennes, Saint-Aubin-du-Cormier et Liffré le bois indispensable pour chauffer l’abbaye, restaurer leur monastère et construire les nombreuses dépendances. L’administration forestière leur attribuait chaque année des charretées de bois, des fagots en quantité importante. Elles y trouvaient aussi les pâturages pour leurs chevaux et bêtes à cornes, les glands pour engraisser leurs porcs. Les religieuses invoqueront souvent un document écrit du duc de Bretagne, ou étaient consignés certains droits forestiers.

 

Aux XIIe et XIIIe s. la forêt est surexploitée et fournit bois de construction et bois de chauffage tant pour les habitants que pour les artisans « pré industriels ». Le titre consenti en 1225 aux habitants de Liffré, leur accorde le droit de faire pacager leurs bestiaux et de mener leurs porcs aux glandées dans la forêt de Rennes.

A partir du XVe s., le développement de la population, les progrès de l’agriculture et de l’industrie eurent une action de déboisement importante et continue.

 

Une foule d’artisans du bâtiment trouvait dans la forêt le matériau idéal de substitution à la pierre absente du bassin de Rennes. Avec l’augmentation de la population, les forestiers durent  limiter les droits d’usage  à certaines parties de la forêt. A l’opposé, suite aux besoins croissants de céréales, les seigneurs ont, soit vendu des surfaces à défricher, soit  concédé à titre onéreux des parcelles pour les mettre en culture, ce que l’on appela, en Bretagne, des afféagements.

Paul Féval décrit dans son ouvrage « Le Loup blanc » les métiers et l’importance de la ressource de la forêt de Rennes vers 1700. Les charbonniers, tonneliers, sabotiers, vanniers habitaient des loges au centre des clairières, et avaient un droit d’usage illimité sur tous les produits de la forêt sauf le gibier. Il estimait la population entre quatre et cinq mille habitants qui étaient nés dans la forêt et avaient le droit d’y vivre et d’y mourir, c’était leur patrimoine.

 

L’incendie de Rennes en 1720 fut à l’origine d’une importante ponction de bois de futaie et de beaucoup de spéculations. Les besoins dus à l’essor de la marine, l’approvisionnement en poteaux pour la mine de Pont-Péan, l’exploitation par les charpentiers et les artisans du bois, provoquèrent une altération rapide de la ressource et à la fin du XVIIIe s. on dénombrait  1070 ha de landes incultes soit le tiers de la surface initiale de la forêt.

 

En 1785 le comte d’Essuile, chargé de la réformation, enquête sur les forêts royales de Bretagne. Il fait état de forêts presque entièrement abandonnées où le pillage et la dévastation sont portés à l’extrême. Les sept ensembles forestiers de Bretagne couvrent 12 000 ha, alors qu’ils comptaient 40 000 ha au XIIIe s. et moins de 18 000 ha en 1670. Cinq gardes sont chargés de la forêt de Rennes, mais personne ne s’en occupe. Les abus viennent de la vénalité des gardes, de concessions  de bois faites à de riches particuliers. C’est ainsi que, sur les 3000 ha de la forêt plus de 600 ha de jeunes tailles ont été broutés par le bétail. A l’intérieur de la forêt, de grandes parcelles étaient, soit louées à des particuliers, soit concédées gratuitement aux gardes ou au procureur du roi de la maîtrise, ce que l’on appelait les délaissements. Les gardes forestiers, forts de cet avantage, avaient tendance à étendre sans cesse leurs parcelles, et devenaient ainsi les pires ennemis de la forêt.

Il était devenu nécessaire d’exiger des gardes les connaissances spéciales à leurs fonctions, de convertir les forêts en futaies et de les aménager en coupes réglées d’une contenance fixe. C’est ainsi que la forêt de Rennes (comme celles de Liffré et de Saint-Aubin-du-Cormier), fut arpentée et aménagée vers 1788 par M. Chaillou, ingénieur géographe du roi. Les cinq triages (de triège, terme d’origine gauloise signifiant carrefour, route) furent réorganisés. Des allées forestières furent tracées et les parcelles furent délimitées par des fossés rectilignes, numérotées et repérées par des bornes en granit encore visibles aujourd’hui. Depuis cette époque, la forêt a gardé la même physionomie, seuls les numéros de parcelles ont évolué lors de la suppression des triages.

Le XIXe s. voit la disparition des artisans de la forêt et c’est vers 1860 que les techniciens de l’école forestière de Nancy mettent la forêt en productivité par la conversion des taillis en futaies, et par la plantation de pins sylvestres, pour reboiser les zones improductives sur sol dégradé. L’Office National des Forêts, établissement public national à caractère industriel et commercial, est créé en 1964. Il est chargé de la gestion des forêts domaniales et des forêts appartenant aux collectivités locales.

 

Historiographie

 

Peu de vestiges archéologiques de la forêt de Rennes sont évoqués dans les textes anciens. Le site du carrefour des Verrières est principalement signalé.

 

Ogée, dans le dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne écrit : au près de l’étang Verrier sont les vestiges d’un ancien château dont les fossés paraissent dans quelques endroits. Les habitants du pays prétendent que c’était là le rendez-vous ordinaire des chasses que les ducs de Bretagne faisaient dans la forêt. Le lieu où l’on croit que la maison était bâtie est une butte assez élevée et couverte d’arbres. Paul Banéat reprend ce site dans Le Département d’Ille-et-Vilaine - Histoire, Archéologie, Monuments  et cite l’ancienne chapelle Saint-Denis-de-la-Forêt, à 5,7 km de Liffré et 2,4 km au nord-ouest de la Mi-Forêt, sur la lisière de la forêt qui aurait été fondée, au dire d’une tradition, à une époque très reculée par les ducs pour y entendre la messe quand ils chassaient. Près de ses ruines se trouvent la croix et la fontaine de Saint Raoul, et le manoir de Saint-Denis qui est aux Puisset. Par ailleurs, le possible site mégalithique du carrefour de la Grande Lune est ainsi décrit par Paul Banéat : dans la partie sud-ouest de la forêt, au carrefour de l’Araignée, un amas de grosses pierres posées en demi-cercle et se touchant: ces pierres ont reçu le nom de Banc de la Lune.


 

Les prospections

 

Avant de se lancer dans une prospection forestière, il est nécessaire, après avoir obtenu l’autorisation du propriétaire, de réunir un maximum d’informations qui privilégieront les secteurs les plus favorables. La carte IGN au 1/25 000 et la carte du massif forestier éditée par l’ONF sont les références de base indispensables. Les cartes anciennes telles celles de Cassini levées de 1783 à 1785 ou de J.F. Barandiéry Montmayeur, conte d’Essuile levées en 1785 n’ont pas apporté d’aide complémentaire. Par contre, la carte du projet d’aménagement de 1787 de la forêt commandée par le comte d’Essuile, consultable aux archives d’Ille-et-Vilaine, indique l’emplacement des délaissements et afféagements dont certains sont encore visibles aujourd’hui. Le cadastre napoléonien de 1827 n’est d’aucune utilité sur les zones boisées. Enfin, les cartes de la Fédération Française de Course d’Orientation ont été un support particulièrement utile, car les anomalies de terrain y sont presque systématiquement repérées.

 

Les techniciens de l’ONF, habitués du massif et sensibilisés à la protection du patrimoine archéologique, ont apporté leur concours en signalant certaines anomalies. Les photos aériennes ont été une aide complémentaire en zone déboisée ou en périphérie immédiate de la forêt.

 

En milieu forestier, il ne faut pas compter sur la découverte de mobilier archéologique comme en milieu agraire sur les sols labourés (silex, tessons, tegulae…). Exceptionnellement les fossés ou les chablis peuvent livrer des indices. C’est donc sur les anomalies de terrain en élévation ou en creux que les recherches se sont orientées. La difficulté consiste à évaluer l’intérêt de telle ou telle anomalie, son côté anthropique, son ancienneté, afin de décider d’une déclaration de site. Un talus érodé fermé, un tertre de forme circulaire, un bombement rectiligne sur une certaine longueur, des fossés aux formes adoucies, des minières… seront à prendre en compte. Par ailleurs, la forêt recèle par endroits, de nombreux blocs de quartz ou de grès. Malheureusement, il est très difficile d’attester, sans une organisation claire, des ensembles mégalithiques.

 

Le découpage des parcelles forestières a facilité l’organisation des recherches. La technique de prospection consiste à suivre des lignes théoriques, parallèles aux fossés de limite de parcelles. Un prospecteur suit cette limite et les autres avancent en même temps en gardant un espace aussi constant que possible, variable suivant la densité de la végétation. Arrivé en bout de parcelle (allée forestière, fossé limite de forêt) le groupe fait demi-tour et parcourt l’autre demi parcelle. Une boussole sert à retrouver l’orientation après les regroupements inévitables lors de découvertes d’anomalies de terrain. Les prospecteurs portent des gilets jaunes fluorescents afin d’améliorer leur visibilité et progresser de manière régulière. Lors de découvertes, la carte IGN est annotée et le site est positionné par GPS qui donne, lorsque les conditions de réception sont bonnes, une précision de l’ordre de quelques mètres.

Les anomalies phytologiques sont un indice complémentaire aux micro-reliefs. La petite pervenche (vinca minor) et le fragon ou petit houx (ruscus aculéatus) sont des espèces rencontrées sur certains sites archéologiques en forêt de Rennes.

 

Un relevé en plan et des profils, (avec parfois les courbes de niveau), sont réalisés sur les sites découverts, Ils sont effectués dans les semaines qui suivent la découverte. Généralement réalisés à l’échelle 1/200, les plans sont  retranscrits en fichier informatique à l’aide d’un logiciel approprié.

 

Les zones de pins ont été peu prospectées du fait des travaux destructeurs qui ont précédé les plantations. Des prospections complémentaires seront réalisées ultérieurement, des zones n’ayant pas été visitées du fait d’une végétation impénétrable.

 

Les sites ont été déclarés au Service Régional de l’Archéologie à l’occasion de la remise du rapport annuel 2005 et un dossier complet a été remis à l’ONF.


 

Les résultats des prospections

 

Les mégalithes

La forêt possède deux possibles sites mégalithiques.

Le premier, déjà inventorié dans l’ouvrage sur «  Les mégalithes du département d’Ille-et-Vilaine », se trouve au carrefour de la Grande Lune (anciennement carrefour de l’Araignée). C’est un ensemble mégalithique composé d’une trentaine de blocs de quartz filonien dont sept ont une hauteur moyenne de 0,90 m. Cet ensemble forme un arc de cercle d’environ 5 m de diamètre ouvert au sud (fig.4). Des cartes postales anciennes attestent que d’autres blocs complétaient l’arc de cercle. Ce pourrait être un reste de sépulture sous tumulus. Les filons de quartz les plus proches se trouvent à 1km au nord entre le carrefour du Placis Vert et le carrefour de la Mine.

- Au nord du carrefour de l’Angevinais à la cote 100 m NGF,  une pierre pyramidale à base quadrangulaire en grès armoricain est dressée (menhir? des Brosses). Elle mesure 1,20 m de hauteur, 1,50 m de largeur et 0,75 m d’épaisseur (fig.5). Il s’agit peut-être d’un menhir.

A l’ouest, en léger contrebas, l’exploitation de la pierre est attestée par d’anciennes carrières. Sur le plateau et dans les éboulis de pente, de nombreux blocs sont disséminés ou amassés, mais aucune organisation mégalithique n’a été reconnue. A 75 m à l’est de la pierre dressée, les restes d’une construction quadrangulaire en pierre sont visibles.

 

Les enclos avec tertres

Trois de ces enclos sont quadrangulaires et leur superficie varie de 1800 à 3800 m². Le quatrième est la vaste enceinte des Verrières, déjà répertorié, dont la superficie atteint 4 hectares. Ils sont le plus souvent entourés de fossés extérieurs dont la terre extraite a été utilisée pour la confection des talus. Ils n’occupent jamais le sommet d’un plateau.

Ces sites présentent la particularité d’être composés d’un enclos simple ou double à talus fortement érodés et, dans un environnement immédiat, de tertres circulaires ou ovalaires dont les dimensions varient de 9 à 16 m de diamètre pour une hauteur ne dépassant pas 1 m. Ces tertres sont entourés de fossés assez larges, et il semble, pour certains, qu’une surélévation au niveau du fossé permettait d’y accéder. Une petite dépression est quelquefois visible au sommet des tertres et un discret bourrelet peut apparaître sur la partie supérieure de l’extérieur du fossé. Le volume des terres déplacées pour l’édification des tertres est difficile à évaluer compte tenu de leur implantation sur des versants. Toutefois ces volumes peuvent être estimés entre 30 et 100 m3. Le profil d’origine de toutes ces structures a été modifié par des causes naturelles telles que l’érosion ou le colluvionnement, et humaines comme l’exploitation de la forêt. Aucun mobilier n’a été découvert lors des prospections de surface dans leur périmètre.

 

Les recherches menées sur l’extérieur immédiat de l’enceinte des Verrières ont donné des indices de la fin de l’Âge du Fer. Pour les trois autres enclos, en l’absence de mobilier de surface, il n’est pas possible, pour l’instant, d’émettre des hypothèses sur une quelconque datation.

 

Quant aux tertres, malgré leurs formes irrégulières et leurs larges fossés, il était tentant, avec la prudence nécessaire, de les rapprocher, de par leurs dimensions à des sépultures protohistoriques. Jean-Claude Meuret a réalisé un sondage en avril 2007 sur un tertre identique en forêt de Liffré ainsi qu’une fouille en juillet 2007 en forêt de Rennes sur le tertre 9 du site du Présou (Ligne de la Mettrie). Les données recueillies lors de ces investigations n’aboutissent à aucune certitude, mais elles ont toutefois permis d’émettre l’hypothèse que nous sommes en présence de  structures funéraires du haut-Moyen-Âge.

 

Les enclos et les tertres sont-ils contemporains ? Des études complémentaires apporteront sans doute des réponses à cette question.

 

a) Enclos et tertres du Crapaud (fig. 6)

Ce site est voisin d’une centaine de mètres de la voie supposée romaine découverte par le CERAPAR lors des prospections. Implanté à mi-pente sur un versant sud, son altitude varie de 80 à 85 m, les tertres se trouvant en contrebas de l’enclos. Un ruisseau coule à un peu plus de 100 m au sud du site. Au nord de l’enclos, de modestes talus avec une certaine organisation sont visibles. A l’est du site, un réaménagement forestier  a peut-être fait disparaître d’autres structures.

 

1) L’enclos
Cette structure comprend deux enclos quadrangulaires accolés. Les dimensions intérieures de l’enclos principal sont de 45 m sur 45 m et celles de l’enclos accolé sont de 38 m de longueur sur 20 m de largeur soit des superficies de 2025 et 760 m². Les talus très érodés ont une hauteur qui varie de 0,50 m à 1,10 m. Les fossés sont visibles sur trois des côtés, mais ils sont inexistants au sud. Une petite entrée se trouve dans la partie est. Au centre de l’enclos principal une butte de 17,50 m de longueur sur 15 m de largeur, pour une hauteur de 1 m, semble être un réaménagement ultérieur lié à une réutilisation du site. A l’est et en contrebas de cette élévation intérieure, les restes d’une structure ovalaire de 6,20 m par 5 m sont visibles.


2) Les tertres
Aux abords de l’enclos, trois tertres circulaires de 10 m à 16 m de diamètre sont entourés de fossés d’une largeur moyenne de 3 m. La hauteur du tertre 1, le mieux conservé, atteint 1 m. Un fossé de drainage a légèrement entamé ce tertre. Les deux autres sont moins marqués.


 

b) Enclos et tertres du Présou (fig. 7)

Sur une étendue d’environ 2 ha, l’analyse des anomalies de terrain a permis de détecter un enclos et dix tertres sur un versant ouest entre 80 et 87 m d’altitude. Les tertres se situent en contrebas de l’enclos. Entre les tertres 4 et 5, une terrasse entourée de talus a été aménagée. Au nord de l’enclos, du côté est de la ligne forestière de la Métrie, dans une zone plantée de pins, plusieurs talus dégradés sont de possibles restes d’un ancien parcellaire.

 

1)  L’enclos

Coupé par la ligne forestière de la Mettrie, l’enclos quadrangulaire mesure 47 m de longueur sur  39 m de largeur. Sa superficie est de 1830 m2. Les talus sont très érodés, ils atteignent  au maximum 0,90 m de hauteur. Les côtés nord et est comportent encore des fossés. L’entrée n’a pas été repérée, son absence est peut-être liée au percement de l’allée forestière. L’intérieur de l’enclos est tapissé de petite pervenche (vinca minor).

 

2)  Les tertres

Aux abords de l’enclos, dix tertres sont entourés de fossés. De forme ovale ou circulaire, ils ont une envergure de  10 à 16 m de diamètre et une hauteur maximale de 0,90 m. Leurs fossés ont une largeur variable de 1,50 m à 4 m. Il n’y a pas d’organisation particulière dans leur implantation,  toutefois, les tertres 1 - 2, et 8 - 9 ont un fossé commun. Ce dernier a fait l’objet d’une fouille programmée déjà évoquée ci-dessus. Trois tertres jouxtent immédiatement la partie ouest de l’enclos.

 

 

c) Enclos et tertres Saint-Roux

Un ruisseau coule à 50 m en contrebas de ces structures installées en pente légèrement descendante sur un versant nord-ouest entre 68 et 75 m d’altitude. Elles se composent de huit tertres entourant un enclos, deux d’entre eux sont plus éloignés. Des  anomalies de terrain, sous forme d’anciens talus, sont visibles au sud du site. Elles n’ont pas d’organisation apparente.

 

1) L’enclos

Les fossés ne sont plus visibles autour de cet enclos quadrangulaire dont les dimensions intérieures atteignent 63 m de longueur sur 60 m de largeur, soit une superficie de 3780 m2.

Les talus,  très usés, atteignent au maximum 1,10 m de hauteur. Une petite entrée interrompt leur continuité, près de l’angle sud-ouest. Une élévation de terrain linéaire est peut-être le reste d’une partition interne et deux petites fosses circulaires sont sans doute modernes. Un talus se poursuit vers le sud, reste probable d’un enclos accolé.

 

2) Les tertres

Aux abords immédiats de l’enclos six tertres sont entourés de fossés. Leur forme est généralement ovalaire et leur diamètre varie de 9 à 15 m pour une hauteur pouvant atteindre 1 m. Deux autres tertres se trouvent à une distance d’environ 150 m au sud-est de l’enclos. Les fossés entourant ces tertres ont une largeur variable de 2 à 5 m.


 

d) Enceinte et tertres des Verrières

 

1) L’enceinte

Ce site est différent des précédents par son importance et sa typologie. Cette vaste enceinte approchant les 4 ha, en forme de fer à cheval, se trouve sur un versant nord-est à une altitude variant de 75 à 83 m. Elle est entourée de talus fossés d’une hauteur moyenne de 1,60 m et s’appuie au nord-est sur un ruisseau. Suite à la découverte d’un trésor de plus de 1100 pièces d’argent contenu dans un vase daté de La Tène D, dans une fosse à 2 m à l’extérieur de l’enceinte, des sondages ont été effectués en 1998 et 1999. Les rares tessons mis au jour dans les fossés et talus sont attribuables à La Tène C et D. Les sondages réalisés dans les structures à  l’intérieur de l’enceinte n’ont pas donné lieu à la découverte de mobilier.

 

Au centre de l’enceinte, on aperçoit les restes d’une tour carrée qui est entourée d’une douve quadrangulaire dont la profondeur actuelle atteint 3 m, sa largeur est de 7 m. Au nord-ouest de cette tour, les bases des murs d’un ancien manoir d’au moins cinq pièces et d’une superficie de 272 m2, sont bien visibles. Ces édifices sont datés du XIIIe s.. Sur le ruisseau en contrebas, deux digues, encore en place, retenaient les eaux d’anciens étangs. La digue nord-ouest mesure 2,40 m de hauteur, celle de l’est atteint 4 m.

 

Au sud-est, les talus de l’ancien « Pré de Verrières », figurant sur la carte de 1787, sont encore visibles.

 

 

2) Les tertres

Les prospections ont permis de déceler aux alentours de l’enceinte quatre tertres entourés de fossés. Ils se trouvent de l’autre côté du ruisseau qui coule en contrebas de l’enceinte. Trois d’entre eux (de l’autre côté de la départementale 106) se trouvent à une altitude de 80 m. Leur forme est circulaire et leur diamètre varie de 10 à 13 m pour une hauteur de 0,70 m. Les fossés mesurent de 2 à 3 m de largeur.

 

 

Les tertres isolés ou groupés par deux

 

En plus des tertres voisins d’enclos décrits ci-dessus, la forêt de Rennes possède neuf tertres dont trois sont isolés et six regroupés par deux. Cinq d’entre eux sont dans la partie nord de la forêt, relativement groupés et quatre dans le sud, bien plus espacés. Leurs altitudes sont variables et ils se trouvent toujours en versant de plateau. Les dimensions et les formes sont assez constantes et identiques aux tertres voisins d’enclos. Les profils montrent une partie supérieure très érodée, voire plate, avec parfois une petite dépression centrale. Il n’y a pas eu de mobilier découvert en prospection de surface mais, ici aussi, il est tentant d’y voir une fonction funéraire.

 

 

a) Tertre du Boulais

 

A une altitude de 69 m sur un versant nord-est, ce tertre ovalaire de 10 m sur 16 m pour une hauteur de 0,55 m, semble perturbé. Il était sans doute circulaire à l’origine. Il est entouré d’un fossé de 2 m de largeur. A une trentaine de mètres au nord-ouest, une forme se distingue comme pouvant être un possible second tertre.
Un talus fossé de grande longueur, visible à 20 m au sud, est peut-être l’ancienne limite sud de la forêt.

 

 

b) Tertre du District

 

Placé sur un versant sud-ouest à la cote 60 m NGF, ce petit tertre ovalaire de 10 m sur 8 m a une hauteur de 0,60 m. Le fossé qui l’entoure mesure un peu plus de 2 m de largeur.

A une trentaine de mètres au sud, deux belles buttes irrégulières sont bordées d’un fossé. Rien ne permet de déterminer leur fonction. A 25 m au nord-est, sur une longueur de 200 m, une élévation est peut-être un chemin ancien ou un vieux talus très érodé.

 

 

c) Tertre de la Mettrie

 

Ce tertre, isolé comme les deux précédents, est un peu plus grand et toujours ovalaire. Ses dimensions sont de 15 m sur 12 m pour une hauteur de 0,70 m. Il est entouré d’un fossé large de 2 à 3 m.  Il se trouve à une altitude de 77 m sur un versant ouest.
 

 

d) Tertres du Grand Bat
 

Ces deux tertres sont situés sur un versant sud-ouest à la cote 79 m  NGF. Le premier, ovalaire, mesure 17 m sur 13 m pour une hauteur de 1,10 m. Il a un fossé de 2 à 3 m de largeur. De part ses dimensions, il s’agit du tertre le plus impressionnant de la forêt. Le deuxième, également ovalaire, est en connexion mais très perturbé.
 

 

e) Tertres des Changes
 

Sur un versant nord à 80 m d’altitude, ces deux beaux tertres sont circulaires, avec un diamètre de 15 m pour une hauteur de 0,60 m. Ils sont entourés d’un fossé d’une largeur de 2 à 3 m. Au nord du tertre 1, il existait peut-être une troisième structure. Un talus très érodé est contigu  au tertre 1, c’est peut-être le reste d’un enclos.
 

 

f) Tertres de la Petite Lune

 

Signalés par l’ONF, ces deux tertres sont  à une altitude de 69 m sur un versant nord. L’un est de forme ovalaire, il mesure 18 m sur 13 m, l’autre est quasiment circulaire avec un diamètre de près de 16 m. Ils sont très érodés et leur hauteur ne dépasse pas 0,60 m. Les fossés atteignent 3 à 4 m de largeur.

 

 

Les enclos isolés

Ils sont au nombre de trois. Les deux premiers ont un caractère agraire avec des talus-fossés modestes et assez irréguliers. Le troisième, incomplet, est atypique avec des fossés importants pour des talus moindres.

 

a) Enclos de la Grande Lune (fig. 15)

C’est une structure quadrangulaire de 62 m de longueur sur 40 m de largeur entourée de fossés. Ses talus très érodés atteignent 1 m de hauteur et sa superficie est de 2480 m2.

Aménagé en terrasse, à une altitude basse de 61 m, l’enclos surplombe une zone humide et un ruisseau distant d’une soixantaine de mètres. Une entrée est aménagée dans sa partie sud. Il est coupé par une limite de parcelle forestière.
 

 

b) Enclos du Comte

 

De forme allongée, cet enclos trapézoïdal de 88 m de longueur sur 32 m de largeur, soit une superficie de 2750 m2, est entouré de fossés. Il a des talus très érodés de  0,50 m de hauteur et il est en pente régulière du nord au sud pour un dénivelé de 1 m. Sur un versant ouest à la cote 70 m NGF, il domine une zone humide et un ruisseau coule à une cinquantaine de mètres. Au sud, une possible entrée a été bouleversée, et à l’est un petit passage a été aménagé. Au centre il faut signaler un amas pierreux circulaire de 4 m de diamètre.

Au sud-est,  des talus sont visibles mais sans organisation apparente.


 

c) La Loge à Rougeais
 

Cette structure incomplète, coupée par l’aqueduc de la Minette, possède deux côtés de 100 m de longueur sur 70 m de largeur avec de beaux fossés  atteignant 1,70 m de profondeur. Les talus sont très érodés. Une observation attentive des alentours n’a pas donné d’indications sur une destruction éventuelle des deux autres côtés. Nous sommes peut-être en présence d’une enceinte inachevée ou d’une structure destinée à une fonction particulière (chasse ?).


 

d) Le délaissement du Fresnay
 

Cet espace bien conservé et entouré de talus fossés était un délaissement aux gardes, c’est-à-dire un  espace à l’intérieur de la forêt dont les gardes  avaient la jouissance. Ils cultivaient ces terres et y élevaient du bétail. Ces enclos d’une réelle importance, près de 5 ha pour celui-ci, sont reconnaissables par leurs talus bien conservés, peu rectilignes comparés aux enclos attribuables aux périodes plus anciennes. Cette structure quadrangulaire de 240 m de longueur sur 200 m de largeur, coupée par la ligne forestière du Grand Coin, a des talus qui atteignent 1,10 m de hauteur. Elle est traversée par un ruisseau. Un petit talus rectiligne sépare l’enclos en deux parties. Au nord-est, à l’intérieur de l’enceinte, des structures en terre pourraient être des restes d’habitat (fig. 18).

Elle est appuyée sur sa partie sud à une ancienne digue qui retenait un étang.

Cet enclos figure sur la carte commandée par le comte d’Essuile dressée en 1787 sous le nom de « Pré de Frenay ». Accolé à cet enclos existait le  « Pré de Sohi » dont un talus est encore visible aujourd’hui au nord de la parcelle.

 

 

Les voies antiques

La forêt de Rennes recèle deux tracés de voies antiques.

Le premier, déjà répertorié, est l’itinéraire Rennes/Avranches, bien visible à l’ouest de la forêt de Rennes, sous la forme d’un bombement longiligne sur une centaine de mètres environ, en bordure de la route départementale 97.

Le deuxième est l’itinéraire Rennes/Bayeux. Jusqu’à présent, il était considéré emprunter la bordure sud-est de la forêt en limite des communes de Liffré et de Thorigné-Fouillard. Les prospections réalisées par le CERAPAR ont permis de repérer à travers la forêt un bombement de terrain quasiment linéaire, sur 3400m, dans une direction légèrement différente, variant entre 36 et 55° vers le nord-est. L’observation de photos satellites et photos aériennes a confirmé son tracé en sortie sud-ouest de la forêt et dans les zones déboisées.

Son altitude est de 84 m à l’entrée et de 97 m à la sortie de la forêt, les principaux ruisseaux sont franchis à 70 et 75 m. La pente longitudinale de la voie  varie de -4,9 à +6,8%. L’examen des fossés de limite de parcelle fait apparaître une assise structurée de la voie avec parfois un empierrement.

Cette voie a une largeur qui atteint les 20 m avec les fossés. La largeur de la chaussée varie de 5 à 6 m. Une possible bande latérale de 3 à 4 m est visible par endroits. Les fossés sont plus importants au sud-est de la voie en pente de versant.

Trois sondages, effectués au printemps 2006 par le CERAPAR, ont mis en évidence une structure classique de voie antique. Sous une petite épaisseur d’humus sont apparues plusieurs couches : mélange de sable et gravier, mélange de sable gravier et altérite avec petites pierres, schiste altéré compacté comblant les interstices d’un radier de pierre assurant la stabilité de la voie, le tout reposant sur le substrat d’altérite. Le mobilier mis au jour dans une coupe permet une datation du 1er siècle ap. J.C. Une analyse des charbons de bois d’une zone foyère découverte sous le radier d’un des sondages a été réalisée par Loïc Gaudin. Il en résulte que l’essence principale utilisée était le chêne et que les largeurs moyennes des cernes étaient étroites. La zone boisée devait être dense et peut-être, située  à proximité de la voie.

Il est probable qu’un établissement de type mansio ou mutatio (anomalies de terrain toutes proches) se trouve à proximité  de la voie. Une possible voie annexe reconnue sur 200 m en direction du sud-est semble se raccrocher à cette voie.

Ce tracé était-il un itinéraire parallèle à la voie attestée jusqu’à présent ou un départ vers une autre direction ?

Il est tentant de raccorder cette voie avec la voie romaine reconnue plus au nord-est dans la forêt de Liffré.

 

 

Structures dites « énigmatiques » (fig 20)

 

Ce sont de petites structures quadrangulaires signalées par un technicien de l’ONF. Le nombre est difficilement évaluable -quelques centaines ; elles sont présentes sur deux parcelles forestières. De forme carrée, elles mesurent de 2 m à 2,50 m de côté et leur hauteur est d’environ 20 cm. Un petit fossé de 20 cm de profondeur les entoure. Elles ne sont pas alignées, ni espacées régulièrement, mais leurs orientations sont presque identiques (angles aux quatre points cardinaux).

Un sondage a été réalisé par le CERAPAR sur une de ces structures. Il a mis en évidence un amas d’argile de 30 à 40 cm d’épaisseur sur le sol naturel en altérite qui avait été légèrement décaissé. Lors de la fouille, il n’a pas été découvert d’éléments liés à une structure funéraire.

 

 

Structures diverses

 

De grands fossés irréguliers sont visibles au sud de Mi-Forêt sur une longueur cumulée de 700 m. A cet endroit, la couverture limoneuse est épaisse de 2 m en moyenne, ce qui laisse supposer une extraction de limon loessique à une époque indéterminée. Au nord de la forêt près de l’allée forestière des Brosses, un beau talus s’étend sur une centaine de mètres, sa hauteur atteint 1,50 m, sa fonction reste inconnue.

 

 

Conclusion

 

Les prospections ont permis de nouer des relations privilégiées avec les forestiers, tant pour assurer l’inventaire de ce patrimoine que pour mettre en œuvre les mesures pour le protéger. Elles ont montré que la forêt de Rennes recèle un nombre non négligeable de sites archéologiques fossilisés. La particularité est la présence de 34 tertres inédits entourés de fossés qui sont parfois associés à des enclos fossoyés. La découverte d’un long tronçon de voie attestée romaine relance l’hypothèse d’un nouveau tracé de l’itinéraire Rennes Bayeux. Les prospections réalisées sur la forêt de Liffré toute proche, font apparaître des sites de même typologie, elles permettront de compléter les données déjà acquises. Une nouvelle campagne de prospections sera menée prochainement dans la forêt de Saint-Aubin-du-Cormier. Les fouilles archéologiques  réalisées ou à venir complèteront les connaissances sur les sites en milieu forestier du bassin de Rennes et de son pourtour.

 

Bibliographie

 

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Sources
 

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